La pension alimentaire due à l’enfant majeur ? | Maitre Cantegrit | Saint-Malo Dinan

La pension alimentaire due à l’enfant majeur

Selon les dispositions de l’article 371-2 du Code civil :

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur ».

Les enfants majeurs bénéficient donc d’un droit à pension alimentaire, mais, contrairement à la situation des enfants mineurs, ce droit n’est pas inconditionnel (CA Versailles, 26 juill. 1978 : Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 187).

Deux questions se posent donc en réalité : qui peut demander une pension alimentaire pour un enfant majeur et dans quelles conditions ?

  • Qui peut demander ?

L’enfant majeur peut bien évidemment saisir le Juge pour demander une pension à ses parents. Mais également le parent qui assume à titre principal la charge de l’enfant majeur (article 373-2-5 du Code civil – Cass. 1re civ., 22 févr. 2017, n° 16-12.996 : JurisData n° 2017-002975)

Tel est par exemple le cas d’un parent qui héberge son enfant étudiant (ou lui paie un loyer) et s’acquitte de la majorité de ses besoins (frais de scolarité, fournitures, vêtements, loisirs …). Il sera bien évidemment indispensable de le démontrer.

  • Dans quelles conditions cette pension est-elle due ?

Cette pension est en réalité due jusqu’à « l’établissement du majeur dans une vie professionnelle ou sociale lui permettant d’être autonome ». (Cour d’appel, Caen, 3e chambre civile, 13 Mars 2014 – n° 13/02250).

Cette pension n’est donc pas illimitée dans le temps mais est donc essentiellement due pendant les études supérieures et éventuellement les premières recherches d’emploi qui suivent ce temps d’étude.

Par ailleurs, cette obligation ne saurait inciter le jeune majeur à poursuivre d’éternelles études sans réel objectif professionnel.

La Jurisprudence a pu préciser en ce sens que « Si un parent a l’obligation d’assister un enfant majeur en cours d’études, fussent-elles médiocres, cette obligation ne saurait subsister lors de la reprise d’études peu performantes à un âge où il serait décent de les cesser. L’obligation alimentaire n’a pas, en effet, vocation à inciter à l’oisiveté plus ou moins déguisée, alors que l’enfant a la capacité de subvenir à ses besoins. » (Cour d’appel, BOURGES, Chambre 1, 23 Janvier 1991 décision dans recherches Numéro JurisData : 1991-051411).

Pour ouvrir droit à pension alimentaire, la poursuite d’études doit présenter un caractère « réel et sérieux » et permettre au jeune majeur de cheminer vers autonomie financière.

Ce caractère « réel et sérieux » est apprécié compte-tenu, notamment des aptitudes de l’enfant et de ses échecs scolaires et universitaires, de la qualité de son travail, de son assiduité (Civile 1ère, 20 octobre 1980, JCP G 1981, II, 165et CA, Bordeaux, 27 septembre 1994 – n°04686).

Il sera ainsi nécessaire de produire ses relevés de notes, de justifier outre l’inscription que l’enfant majeur se rend bien en cours par exemple.

Le jeune majeur peut changer d’orientation, mais la Jurisprudence a également pu préciser que si les parents sont tenus d’aider leur enfant à accéder à l’autonomie et à suivre, pour ce faire, des études (C. Chabault, Le financement des études par les parents : Dr. famille 1999, chron. 12), ils ne sont pas tenus d’accéder au désir d’un enfant qui estime souhaiter se reconvertir ou changer de filière d’études (Cass. 2e civ., 26 nov. 1970 : Bull. civ. II, n° 327 ; D. 1971, somm. p. 104), et a fortiori encore plus lorsqu’il n’y a pas de lien direct entre les premières études suivies et les nouvelles études que le majeur décide d’entreprendre (CA Papeete, 18 oct. 2007, n° 132/JAF/05 : JurisData n° 2007-356197 ; (CA Basse-Terre, 18 mai 2015, n° 13/00476 : JurisData n° 2015-014018).

S’il a pu être jugé qu’un changement d’orientation après une première année universitaire ne décharge pas nécessairement les parents de leur obligation d’entretien (CA Paris, 1re ch., sect. D, 3 mars 1992 : JurisData n° 1992-021048), cela ne saurait bien évidemment pas être le cas dans le cadre d’une reprise d’études, dans une filière nouvelle, et au surplus après l’obtention d’un diplôme et un premier accès à l’autonomie du majeur qui souhaiterait voir financer par ses parents une reconversion professionnelle.

Par souci d’exhaustivité, il convient d’aborder le cas particulier de l’enfant majeur qui a consenti à son adoption simple.

L’adoptant est tenu d’une obligation alimentaire à l’égard de l’adopté.

Le parent biologique n’est alors tenu que d’une obligation dite subsidiaire : il doit contribuer aux besoins du jeune majeur que si et seulement si l’adoptant n’est pas en capacité de le faire (Civ. 1ère ; 22 mai 2007, n°06-17.980).

Pour la Cour de cassation, cette « subsidiarité n’est pas exclusive d’une contribution partielle » (Civ.1ère, 14 avril 2010, n°09-12.456) et il n’est donc pas exclu si les besoins du jeune majeur sont importants (notamment dans le cas d’études onéreuses) que les parents adoptifs et biologiques soient tenus de contribuer à proportion de leurs besoins respectifs.

Pour terminer, rappelons que la pension alimentaire due à l’enfant majeur, non encore indépendant, ne doit pas être confondue avec les aliments dus à un membre de la famille dans le besoin qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un parent, souvent âgé.

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